Histoire écrite par Mr CHOLET habitant du domaine
Grandchamp, tel que nous le connaissons aujourd'hui est un lieu situé comme Feuillancourt, Saint-Léger, dans une vallée traversée par les rûs de Bûzot et de L'Etang. Au Moyen -Age, les Rois Mérovingiens y résident, les évêques y établissent leurs abbayes, les Saints y édifient leurs chapelles ; plusieurs siècles avant que Louis le Gros, François1er, Henri IV, Louis XIII, construisent leur Palais Royal de la Cité de Saint-Germain-en-Laye.
On peut dire que cette vallée constitue l’un des premiers peuplements de l'homme dans notre région. Il y a l à, en effet, l'eau en quantité suffisante, mais non envahissante comme a pu l'être la Seine par ses débordements hivernaux.
Le nombre important de moulins à eau implantés le long des rûs, témoigne aujourd'hui de cette vie active. Ainsi, dans le seul Domaine de Grandchamp, il existe encore au XVIIIème siècle, deux moulins : le moulin "d'en-haut", situé Place du Commerce et le Moulin "d'en-bas", appelé aussi Moulin Frémont ou Moulin Benoise, à proximité du Square Rachel de Camps. Ils sont tous les deux implantés sur le Rû de L'Etang. Tout près, il y a eu le Moulin de l'Arche (ou Moulin brûlé) situé au début de la Rue du Pontel, et le Moulin Gaillard établi à la jonction de la déviation de la RN 13 et de l’'Avenue du Général Leclerc. Tous ces moulins ont cessé leur activité, il y a 100 ans, et certains ont été détruits à une époque où l'industrialisation nouvelle a apporté d’autres moyens énergétiques. Aujourd'hui de tels moulins sont devenus rares dans notre région : seul l'un d'entre eux entraîne un alternateur fournissant l'énergie électrique suffisante au propriétaire.
Revenons à l'Histoire de Grandchamp. Totalement ou en partie - car les limites des territoires ont toujours donné lieu à de perpétuelles contestations des Seigneurs des terroirs limitrophes- Grandchamp a été intégré à la propriété de l'Abbaye de Fontenelle, située près de Rouen, et devenue au XIIème siècle, l'Abbaye Saint-Wandrille. Cette intégration a été réalisée d'une part, vers 675, lorsque Gamard, frère d 'Erembert et Seigneur de Fillancourt, rejoint avec ses deux fils, Fontenelle en léguant ses possessions à l'Abbaye. D'autre part. Aupec, où d'importants vignobles s'étagent à flanc de coteau au soleil levant peut être d'un grand intérêt pour la Communauté bénédictine. Aussi, l'Abbaye de Fontenelle obtient elle du Roi Childebert III, cette terre fiscale en l'an 704. Ainsi, l'on peut dire que notre cité fut dépendante de I ‘Abbaye de Saint-Wandrille pendant plusieurs siècles jusqu'à l'an 1563, où les guerres de religion ayant mis le Trésor à sec, le Roi Charles IX songe à se procurer de nouvelles ressources par l'aliénation des biens des églises. En 1567, le Roi accepte l'offre faite par l'assemblée des archevêques et évêques, tenue à Paris, de verser 700 000 livres tournois pour l'aider à supporter les frais de la nouvelle guerre de religion, et la répartition de cette lourde charge se fait entre tous les diocèses de France, y compris les établissements religieux de chacun d'eux.
L'Abbaye de Saint -Wandrille a eu naturellement à supporter sa part de taxation. N'ayant pas de deniers en main, il lui faut emprunter ou vendre pour fournir la somme de 3000 livres tournois qu'elle doit verser au Roi. Elle se résout à aliéner Le Pecq et ses dépendances comme étant la part la moins dommageable pour ses finances. Un preneur se trouve en 1569, Albert de Gondi, Premier Gentilhomme de la Chambre du Roi, Comte, puis Duc de Retz. Cet homme né à Florence, tient en fief cette partie de I‘Ile de France qui va aujourd'hui de Versailles à Saint-Germain-en-Laye, et constituant un glacis de sécurité à l'entour du Château royal de Saint-Germain. Mais ce noble seigneur ne fait rien pour son nouveau domaine, et il le vend en 1602 au Sieur Antoine Bréhant de La Roche, Ecuyer de la Reine.
Quelques temps après, Henri IV rachète au Sieur Bréhant de La Roche, Le Pecq et Le Vésinet en échange de la Châtellenie de Hédé située près de Rennes, et des bois de Nidecourt en Bretagne. Mais le 10 novembre 1605, Henri IV concède cette possession, en précaire, pour 9 ans, à Antoine de Buade, comte de Frontenac, son Capitaine du Château de Saint-Germain. Et successivement, les capitaines du Château administrent la Seigneurie du Pecq.
C'est à partir de cette période que commence réellement l'Histoire de Grandchamp. Malgré un bornage établi en 1603, les limites des terroirs entourant Grandchamp sont mal définies. Grandchamp est dans la possession de la seigneurie du Pecq administrée par le Capitaine du Château, mais par ailleurs, certains terrains sont propriétés des Seigneurs de Marly, Mareil, Fourqueux, Bouret, etc. De nombreux procès ont lieu entre les successifs propriétaires de Grandchamp et les Seigneurs des fiefs voisins sur les limites des emprises de chacun d’eux.
A partir de 1640, Monsieur de Hantecourt, procureur, fait l’acquisition de terrains situés dans les terroirs de Marly, de Bouret en Fillancourt, du Pecq permettant ainsi de constituer ce qui va devenir le Domaine de Grandchamp. Cette acquisition est connue par une déclaration de 1648, date de construction du premier château de Grandchamp.
Sa fille Marie de Hantecourt déclare à son tour le Domaine au seigneur du lieu, en 1660, alors qu’elle est veuve de Jacques Pichon en son vivant Conseiller au Châtelet. Leur fille, Marguerite Pichon, épouse Charles Benoise, Seigneur de Mareil, Conseiller d’honneur au Parlement et leur petit-fils, Charles-Auguste Benoise, Chevalier et Seigneur de Mareil, Conseiller du Roi Louis XIV, est connu en 1713, à travers une nouvelle déclaration du Domaine de Grandchamp.
Si l’on juge l’importance de ce premier château – construit à la moitié du XVII ème siècle- par l’extrait de la carte des Chasses et le plan Terrier et les actes notariaux successifs, il s’agit d’une très grande demeure. En effet, le bâtiment principal de 40 mètres de long est constitué d’un grand corps de bâtiment en rez-de-chaussée sur cave et étage souterrain, de deux pavillons en aile attenant au bâtiment, d’un premier étage carré, d’un deuxième étage dans la partie du milieu servant de grenier. Le bâtiment principal est orné de glaces dans le parquet (en 1718, un parquet est défini comme étant un assemblage de bois sur lequel est appliqué une glace) Ne sont-elles pas celles que l’on retrouve aujourd’hui dans le château actuel ?
Le château est complété d’une grande et large terrasse couverte de tilleuls, d’une avant cour fermée d’une grille en fer, d’une cour d’honneur, de logements de concierge et de jardinier, d’une ferme avec granges, étables, écuries, d’un colombier, d’une pièce d’eau servant d’abreuvoir, d’un grand jardin en parterres et terrasses, d’un parc planté d'ormes et de tilleuls, d'un jardin potager, le tout clos de murs. On accède au château par une avenue bordée d'ormes traversant un grand clos constitué de haies vives.
Sur les plans établis dès le début du XVIIème siècle, on remarque le Clos des Malades. Il dépend de l'Hôpital de Saint-Germain. Mention d'une inhumation effectuée dans ce Clos a été relevée. Il faut aussi rappeler l'existence des deux moulins à eau "en haut" et "en bas" de Grandchamp
Le Domaine de Grandchamp est donc la résidence de campagne des Seigneurs de Mareil. Charles-Auguste Benoise vend en 1724, sa propriété et son titre à Louis Bouillerot, Ecuyer et Huissier de la Chambre du Roi. Il est connu des alpicois de l'époque, car son nom figure dans un mémoire adressé par un certain nombre d'habitants du Pecq au Conseil d'Etat pour que la commune soit déchargée des frais de reconstruction de l'église paroissiale Saint-Wandrille qui a dû être fermée au culte en 1720, en raison de risques d'effondrement, bien que construite un siècle auparavant.
En 1734, Louis Bouillerot vend le Domaine de Grandchamp à Jean-François Houdiart, Ecuyer Secrétaire du Roi, Contrôleur de la Chancellerie de France, qui devient ainsi Seigneur de Mareil. Lui aussi, s'efforce, mais à titre personnel de ne pas payer sa quote-part. Il est débouté de sa demande et doit participer à l'effort financier qui permet au Duc de Noailles de poser en 1739, la première pierre de l'église Saint-Wandrille actuelle. En 1745, un bornage des fiefs de la région a été établi, marquant le terme d'un procès entre le Sieur Houdiart et le Sieur de Fourqueux lequel est propriétaire de fiefs limitrophes de Grandchamp. Les procès-verbaux établis restent une source d'informations pour l’Histoire de Grandchamp.
En 1751, le fils du Sieur Jean-François Houdiart, Louis-Godefroy hérite des titres du Domaine de Grandchamp. Mais la fin du XVIII ème siècle est sous la Révolution. En 1791, Marguerite Le Couteulx, veuve de Louis-Godefroy Houdiart de Mareil, met le Domaine de Grandchamp aux enchères. Ainsi, très légalement, et devant notaire, Pierre-Antoine Bézuchet, Marchand-Mercier demeurant Rue Saint-Denis à Paris, devient adjudicataire du Domaine de Grandchamp. Nous ne sommes pas encore à l'époque de l'aliénation des biens nationaux des années 1792/1795.
Dès que l’on regarde d'un peu plus près la vie de Pierre-Antoine Bézuchet, on peut dire qu'il a été un personnage hors du commun. En effet, en plus du Château de Grandchamp, il devient acquéreur d'une partie du Château de Saint-Germain, de l'Hôpital de Saint-Germain fondé par Madame de Montespan, des hôtels d'Harcourt, de Vendôme et de Noailles, d'un jardin Rue de Lorraine à St Germain, d'une maison au Cœur-Volant, d'une tuilerie à Marly, du Château de Port-Marly. II achète aussi en 1817, le Clos des Malades, et diverses parcelles qui deviennent ainsi intégrées au Domaine de Grandchamp.
C'est de sa résidence du Château de Port-Marly, que Pierre Antoine Bézuchet vend, par l'intermédiaire de son mandataire Charles Lebailly, le Domaine de Grandchamp à Charles-Marie Denys, Comte de Damrémont, Général d'Empire, Commandeur de la Légion d'Honneur, Chevalier de Saint-Louis et de la Couronne de Fer, marié à Clémentine Baraguey d'Hilliers, demeurant tous deux, 327 Rue Saint-Honoré à Paris. Il faut dire qu'en achetant de telles demeures, les nobles personnages recherchent le bon air. En effet, à cette époque, la salubrité n'est pas de règle dans les grandes villes, où les odeurs ne sont pas toujours très agréables.
Le Comte de Damrémont construit un nouveau château. Référence est faite au livre édité en 1829 par Abel Goujon (et récemment republié par les Amis du Vieux Saint-Germain), où il fait mention qu'un château vient d'être reconstruit à Grandchamp. La mémoire de ce château est conservée par une carte postale éditée entre les années 1903 et 1905, et le plan cadastral établi à la fin du XIXème siècle.
Le Comte de Damrémont est tué le 12 octobre 1837 au siège de Constantine, et son épouse met en vente en 1841, ce nouveau château. M. Joseph Javal, demeurant 17 Boulevard Malesherbes à Paris, en devient l'adjudicataire et en jouit jusqu'en 1869 où il le remet aux enchères. Il est acquis par Antoine-Maurice Schnapper, banquier né à Francfort. Il décède à Florence en 1875, et sa sœur Pauline Gérard en hérite. Elle s'est mariée en 1846 au Baron Henri-Alexandre Gérard (neveu du Baron François Gérard, Peintre des Rois), demeurant 85 Faubourg Saint-Honoré à Paris, lequel devient effectivement propriétaire après le décès de son épouse en 1885. Il a été connu durant la 3ème République, comme un homme politique monarchiste et boulangiste.
En 1901, le château revint aux enfants Maurice et Marie Gérard, dans le cadre d'une donation effectuée par leur père, à titre de partage anticipé. Marie Gérard épouse Maximilien-Tirbuce Comte Foy. Ils demeurent 25 Rue de Suresnes à Paris, et deviennent propriétaires de ce deuxième Château de Grandchamp. En 1911, la Comtesse Foy, devenue veuve, vend le Domaine à Louis Dior, habitant 64 Rue du Rocher à Paris, entrepreneur de Travaux Publics, mais aussi l'oncle du célèbre couturier Christian Dior.
Le château a 80 ans. Sans doute son mauvais état a incité Louis Dior à le démolir et à construire en 1912, un nouveau château de style Louis XVI, tel que nous le voyons aujourd'hui. En même temps, il construit deux maisons pour ses fils Richard et Maurice, la « Richardière » et la « Mauricière ». Louis Dior fait aménager un parc magnifique, crée volière, jardins japonais, vergers, etc. Il dévie le cours du rû de L'Etang, coulant antérieurement en bordure du Domaine, pour traverser et agrémenter le parc par des cascades et des pièces d'eau.
En 1924, Louis Dior vend le domaine, le château, le moulin "d'en-haut", les deux maisons de ses fils, les pavillons de gardes et l'orangerie à la Société Générale Foncière pour le prix de 3 000 000 francs de l'époque. Cette société fait morceler immédiatement le domaine, avec autorisation préfectorale du 10 avril 1925, et approbation du Maire du Pecq le 15 du même mois.
Le 19 décembre 1925, la Société des Immeubles Modernes créée le 21 novembre 1922, acquiert de la Société Générale Foncière, 19 lots de la partie Sud-Ouest du lotissement désignée sous le nom de "Cité Fleurie". Les plans de la "Cité Fleurie" sont déposés chez Maître Duval. Les ventes de maisons construites par la Société des Immeubles Modernes commencent. Ce sont les premières. 5 lots restant et non construits seront vendus par la Société Générale Foncière. Le 22 juillet 1928 a lieu l'Assemblée Générale des 75 premiers propriétaires. A partir de ce jour le Syndicat est constitué, mais cela ne sera définitif qu'après l'exécution intégrale des obligations de la Société Générale Foncière. Le 20 juin 1929, l'autorisation préfectorale est accordée, et le 20 août 1929 une Assemblée Générale Extraordinaire décide que l'Association libre devient une Association autorisée.
Parallèlement, le château est acquis en 1926 par la Société Immobilière de Grandchamp, et Monsieur Fischoff l'habite. Le 30 avril 1933, la Société Civile de Grandchamp devient propriétaire par adjudication du château dont le gérant est Monsieur Lifchitz. La guerre éclate en 1939, et le propriétaire part aux Etats-Unis avec sa famille. Pendant l'exode de 1940, le château est occupé par les troupes françaises (un certificat de février 1941 prouve les dégâts après ce passage). En 1943, les autorités allemandes d'occupation réquisitionnent le château, tandis que la Mairie s'installe, après le bombardement du pont du Pecq, dans la propriété "El Goléa", située allée des Lilas. Durant la guerre 39-45, le Domaine est habité par 213 personnes dont 45 enfants. Pour la protection contre les bombardements, 6 abris ont été ouverts : une grotte pouvant recevoir 48 personnes, le Château, la cave du Moulin, et trois tranchées. Après la libération, l'Armée de l'Air française installe l'Ecole des Cadres de formation féminine de l'Air où deux sessions de quatre mois ont été tenues. En1947, la Société Civile de Grandchamp reprend possession de son château avec Monsieur Litton, nouveau nom de M. Lifchitz, après son séjour aux Etats-Unis.
En 1948, le Département de Seine-et-Oise devient propriétaire du Château. Un asile de vieillards est installé en 1950. Les 90 pensionnaires se sont rapidement révélés comme indésirables pour un domaine exclusivement résidentiel et, sur les instances du Syndicat et de la Municipalité, dès 1952, l'Asile est transféré à Montfermeil, et est remplacé par la Maison d'Enfants existant autrefois à Saint-Cyr. Deux bâtiments sont construits en aile, et agrandissent ainsi l'accueil du château. En 1976, le Département des Yvelines le transforme en Centre Médico-Social.
Aujourd'hui, le domaine, d'une superficie de 36 hectares environ, clos de murs, compte 446 propriétaires, 7 kilomètres d'allées asphaltées et une chapelle privée a été aménagée en 1941, à l'intérieur d'une ancienne grange. Elle est due à l'initiative de plusieurs propriétaires dont Mesdames Baron et Pierret, Messieurs Portes et Simmler. Elle est dédiée à Sainte-Amélie en souvenir de la Reine Amélie du Portugal qui a offert l'autel. (La Reine Amélie du Portugal est la petite fille du Roi Louis Philippe. Elle est décédée au Chesnay en 1951)
L’aménagement de la déviation de la Route Nationale 13, conduit en 1959, à une modification importante de l'entrée du Domaine. Le pavillon du Garde est démoli, et le grand portail métallique, installé au siècle dernier, est déposé. L'entrée, telle que nous la voyons aujourd'hui, date de cette époque. Le square a été aménagé, et dédié en 1988, à Madame Rachel Camps, ancienne secrétaire de l'Association Syndicale des Propriétaires. En cette circonstance, une statue, symbolisant l'amitié d'une jeune fille pour ses animaux familiers, a été érigée. Elle est l'œuvre du sculpteur Denis Lonchampt et a été offerte par un propriétaire, Monsieur Paquerit.
Quasiment, tous les terrains du Domaine de Grandchamp sont construits. Leurs propriétaires ont toujours manifesté la volonté de rester un domaine privé. Son Association Syndicale a toujours su.et sait encore, avec un budget relativement faible constitué par une taxe annuelle, et un personnel réduit (une secrétaire, un garde assermenté, un jardinier), conserver à la propriété un caractère de grand style et de belle allure.